Le pouvoir ne serait pas, selon plusieurs hommes politiques, à mille lieues des…sacrifices. Pour être dans les bonnes grâces des dieux qui donnent le pouvoir, combien de leaders africains sont convaincus qu'il faut associer à l'action de mobilisation des électeurs, le coup du sort qu'octroieraient les devins, les marabouts, les sorciers et autres diseurs de bonne aventure. La période électorale qui commence au Mali et la cote divoire va-t-elle s'inscrire dans cette…logique de la superstition africaine ?
Une anecdote bien connue sur les bords du Fleuve Djoliba raconte qu'avant d'arriver aux affaires, un président de la République a recouru aux prestations d'un célébrissime " karamoko " (maître devin ayant le pouvoir mystérieux de communiquer avec les djins, voire avec Dieu).
Celui-ci lui a fait savoir qu'avant de se lancer dans la précampagne pour l'élection présidentielle, il devait faire une cérémonie bien étrange : se présenter quelque part dans une forêt aux confins du pays sous un arbre (sec) dont les branches avaient perdu tout feuillage. Après certaines paroles incantatoires de ce grand maître, si cet arbre reverdissait alors ce prétendant au fauteuil présidentiel sera effectivement élu. Au cas contraire, il n'a pas la chance de devenir le président de la République. La cérémonie avait été faite et, miraculeusement, cet arbre du destin présidentiel avait retrouvé ses feuilles. Cette personnalité est devenue effectivement le président de la République…du Mali.
Se protéger ou éliminer des adversaires
Le microcosme politique malien, à l'instar de ceux d'autres pays africains, bruit souvent de rumeurs et autres confidences relatives à un occultisme à même de porter chance, de conduire au pouvoir, de faire gagner les élections, de protéger contre le mauvais sort, etc.
Si certains leaders tiennent beaucoup aux "bonnes prières pour la bénédiction" (genre fathia) dans telle ou telle cérémonie et rencontres officielles organisées par leurs partis, d'autres hommes politiques sur le continent ont bien des secrets et pratiques occultes pour s'assurer une longévité politique ou pour maximiser leur baraka ou leur chance de parvenir au sommet. L'on a beaucoup glosé sur la légendaire capacité de transfiguration des tristement célèbres dictateurs Mobutu Sesse Seko de l'ex-Zaïre (actuel RDC), Gnassingbé Eyadema du Togo et autres. Le premier aurait eu le pouvoir de se transformer en léopard tandis que le second pouvait devenir un mouchoir ou un papillon… Difficile de vérifier l'existence de ces pouvoirs mystiques mais tout porte à croire que ces dirigeants disposaient de pouvoirs surnaturels leur permettant d'échapper aux risques liés à leurs hautes charges en ces temps où les coups d'Etat étaient encore courants sur le continent.
Certains usent de pouvoirs similaires pour éliminer des adversaires trop gênants. Une illustration récente en Côte d'Ivoire voisin nous est rapportée par le site Koaci.com. Il s'agit de la mort du candidat RDR à la députation à Logoualé, qui s'est produite dans des conditions confirmant l'usage des forces mystiques en politique en Côte d'Ivoire.
Dans l'ouest de ce pays, précisément dans la région des 18 Montagnes, la ville de Logoualé est très connue pour ses histoires rocambolesques. Les pratiques occultes dans les villages de cette localité sont une réalité que personne ne nie. Et la mort soudaine, à la veille des élections du 11 décembre 2011 d'un candidat aux législatives n'est qu'une confirmation du règne de la sorcellerie dans cette petite sous-préfecture située entre les villes de Duékoué et Man.
Pour en revenir à la mort mystérieuse de Gouade Narcisse, il faut préciser que les médias en ont parlé avec beaucoup de précautions tout au long des semaines qui ont précédé les législatives qui viennent d'avoir lieu dans un climat plutôt calme et fortement marqué par le désintérêt total de nombreux Ivoiriens. Si le souci des rédacteurs et autres envoyés spéciaux sur les lieux du drame était de ne pas donner des informations erronées, il est aussi clair que leur volonté cachait quelque part le souci de ne pas s'étendre sur un sujet délicat, pas toujours facile à traiter.
Pour rappel, c'est le lundi 5 décembre 2011 vers 10 heures que la mort du candidat du rassemblement des républicains (RDR) a été annoncée aux partisans de cette formation politique qui immédiatement s'en étaient pris violemment aux militants de l'union pour la démocratie et la paix en Côte d'Ivoire (UDPCI), parti accusé d'être à l'origine de cette mort.
Selon les témoignages des parents joints au téléphone dans cette ville, Gouadé Narcisse serait de ceux qui, depuis quelques années, travaillaient d'arrache-pied dans la région en vue de se faire remarquer par les populations dont ils espéraient une reconnaissance au cours des élections législatives. Malheureusement, son zèle n'aurait pas été du goût d'un des mentors du parti de feu le général Robert Guei dont le nom a été tu pour des raisons évidentes…
Crimes rituels pour accéder au pouvoir
La recrudescence de crimes rituels défrait souvent la chronique sur le continent et particulièrement dans certains pays d'Afrique centrale et de l'est à la veille des échéances électorales, notamment les élections présidentielles. On raconte même qu'il n'est pas rare d'assister, avant les grands rendez-vous électoraux dans certains pays du continent, à des disparitions de gamins, d'albinos dont certains sont retrouvés plus tard avec le corps mutilé, des parties génitales emportées… Bref, des crimes qui serviraient à leurs auteurs ou commanditaires à faire, dit-on, des sacrifices avant d'aller à la conquête du pouvoir ou de l'argent.
Au Mali, le phénomène n'a peut-être pas la même ampleur, du moins avec l'évolution des mœurs et l'influence des religions importées. Mais, il faut reconnaître qu'il y a quelques années, des crimes rituels et autres disparitions d'enfants émaillaient les périodes électorales. L'on se rappelle la disparition de certains enfants, la mutilation d'un albinos aux confins de Bamako, à la veille des échéances électorales de 1992, 2002 et 2007.
Certains de ces crimes, selon des témoignages concordants, seraient aussi le fait des milieux des puissants opérateurs économiques assoiffés de pouvoir financier, pour s'enrichir par des méthodes très peu recommandables.
Nous avons été témoins, à plusieurs reprises, de scènes subtiles de leaders psalmodiant quelques mots inaudibles à la porte de leur domicile avant de monter dans leur véhicule pour partir en missions. D'autres leaders, selon des témoignages recueillis ici et là, doivent sortir de leurs domiciles par le pied gauche tandis que d'autres, sur conseil de leurs marabouts, doivent s'habiller en blanc à l'ouverture de toute assise de leurs partis et en tenue sombre à la clôture. Interrogés sur la question, plusieurs députés à l'Assemblée nationale ne nient pas le phénomène et se contentent de murmurer en avoir entendu parler par " des détracteurs des hommes politiques ".
Pour l'élection présidentielle du 29 avril 2012, il nous est revenu que plusieurs leaders, notamment certains jeunes chefs de partis, se positionnent après avis favorable de leurs marabouts. Seulement, ceux-ci oublient de dire à leurs mentors que sans un appareil politique digne de ce nom, le seul coup de chance qu'on leur promet ne peut faire d'un cadre de ce pays, s'il ne s'appelle pas ATT, un président de la République. Dans tous les cas, la période électorale devient indubitablement celle des vaches grasses sous les tropiques.
Bruno D SEGBEDJI